L’histoire du Festival d’Avignon- Paris / Avignon, 5 min d’arrêt #06

Nouvelle chronique culture par Karine Ventalon.
Il s’agit d’ailleurs de sa toute première chronique depuis la pause estivale et le grand retour du Festival d’Avignon cet été.
 
Il faut savoir que depuis sa création, le festival n’a été annulé que 2 fois.  
La première en 2003, à la suite d’une grève des intermittents du spectacle, concernant la réforme de leur statut ; c’est d’ailleurs Bernard Faivre d’Arcier, qui était alors directeur du festival d’Avignon, qui a eu la lourde responsabilité de prendre cette difficile décision.  
Et donc il a été annulé également en 2020 à cause de la crise sanitaire du COVID-19. 
Cela a amené Karine à s’interroger plus en détail sur les différentes étapes de la mise en place de ce festival, initié par Jean Vilar en 1947.  
 
Bonne écoute !

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Si vous préférez lire, voici la retranscription de l’épisode : 

Bonjour à tous,

Karine Ventalon, je suis ravie de vous retrouver pour cette nouvelle chronique de « Paris – Avignon 5 min d’arrêt ». Il s’agit d’ailleurs de ma toute première chronique depuis la pause estivale et à ce sujet, j’étais ravie d’être présente pour le grand retour du Festival d’Avignon cet été surtout après son annulation en 2020 ,à cause de la crise sanitaire.

Il faut savoir que depuis sa création, le festival n’a été annulé que 2 fois.

La première en 2003, à la suite d’une grève des intermittents du spectacle, concernant la réforme de leur statut ; c’est d’ailleurs Bernard Faivre d’Arcier, qui était alors directeur du festival d’Avignon, qui a eu la lourde responsabilité de prendre cette difficile décision.

Et donc il a été annulé également en 2020 à cause de la crise sanitaire du COVID-19.

Cela m’a donc amené à m’interroger plus en détail sur les différentes étapes de la mise en place de ce festival, initié par Jean Vilar en 1947.

-Comment Jean Vilar a-t-il eu l’idée de créer un tel festival ?

-Le festival a-t-il toujours été, ce qu’il est aujourd’hui ?

-Pourquoi ce festival est-il maintenant si important pour les compagnies de théâtre ?

C’est ce que nous allons tâcher de voir ensemble à travers cette chronique.

 

      Le festival d’Avignon a donc été fondé en 1947 par l’acteur, metteur en scène et directeur de théâtre Jean Vilar, suite à une rencontre avec le poète René Char.

Cette manifestation se nomme alors « la Semaine d’Art dramatique en Avignon » ; et la première édition a lieu au mois de septembre.

Toutefois, Il faut remonter en 1940 pour comprendre comment cette envie a murit dans l’esprit de Jean Vilar. En effet, à cette époque il sillonne déjà la France avec : « La Compagnie de la Roulotte » aux côtés d’André Clavé.

Son objectif : Rendre accessible le théâtre au plus grand nombre et l’amener en province.

Il est d’autant plus motivé qu’il proteste souvent contre l’état du théâtre parisien dont il dénonce les conditions, et notamment les tarifs élevés. Il souhaite donc DESCENTRALISER.

En 1947, le galeriste Christian Zervos, (lui aussi ami de René Char) invite Jean Vilar à reprendre en Avignon sa pièce qui eut un grand succès à Paris : Meurtre dans la cathédrale de T.S. Eliot.

Mais Jean Vilar lui propose plutôt de monter trois pièces dans trois lieux différents.

L’idée d’une ville autour du spectacle émerge alors !

Christian Zervos doit cependant refuser cette offre pour des raisons budgétaires, mais séduit par l’idée, il fait une demande de subventions auprès de la mairie d’Avignon qui sera acceptée. Et c’est ainsi que nait : la « Semaine d’art en Avignon » , au mois de septembre ,et avec donc 3 spectacles : Tobie et Sara de Paul Claudel, La Terrasse de midi de Maurice Clavel, et un Shakespeare peu connu pour l’époque, Richard II.

Et c’est ce qui contribuera à la force du festival : jouer des créations et non reprendre des succès parisiens.

 Au début, les représentations ont lieu en plein air et sont donc soumises aux caprices du temps. C’est alors qu’on propose à Jean Vilar de jouer dans la cour d’honneur du Palais des Papes qui peut accueillir jusqu’à 2000 personnes tout de même. Contre toute attente, Jean Vilar est réticent de jouer dans un tel lieu, qui est d’après lui trop rempli d’Histoire. Je cite : « Ce n’est pas un théâtre, c’est un lieu historique, dont les pierres nous parlent d’un passé, d’un passé très précis, quand on entre dans la cour, la cour est à nu, c’est un lieu informe. Je ne parle pas des murs, mais du sol, techniquement c’est un lieu théâtral impossible. C’est un mauvais lieu théâtral aussi, parce que l’histoire est trop présente. » Bien évidemment, il finira par se laisser séduire par ce lieu mythique.

Toutefois, il faut maintenant faire venir le public jusqu’en Avignon. Jean Vilar déclare d’ailleurs à ce sujet : « En 1947, aller jouer à quelques 800 km de Paris c’était aller jouer dans le désert, être un jeune comédien, avoir des ambitions correspondantes, amener d’autres comédiens, d’autres artistes, d’autres techniciens, qui avaient eux-mêmes des ambitions et les emmener jouer à 700 km c’était tout de même une aventure, vraiment, une chose qui pouvait ne pas avoir de portée, une entreprise inutile. »

Cela est sans compter le talent et l’énergie des jeunes acteurs, inconnus à l’époque, qu’il a engagé dès le départ pour constituer sa troupe. À savoir, entre autres :

 Jeanne Moreau, Maria Casarès, Monique Chaumette, Michel Bouquet, Sylvia Monfort et j’en passe…

 En 1951, gros coup de projecteur sur le festival lorsque c’est Gérard Philipe qui accepte de rejoindre la troupe et interprète le rôle de Rodrigue dans :« Le Cid ».

La même année, Jean Vilar qui était à la direction du Palais de Chaillot confie sa place à Jeanne Laurent. Ils mettent ainsi en place une sorte de cohésion entre le Théâtre National Populaire à Paris et la semaine d’art en Avignon. La troupe joue donc au TNP durant l’année et la semaine d’art, l’été en Avignon.

En 1963, Jean Vilar quitte définitivement la direction du TNP de Chaillot pour se consacrer pleinement au festival d’Avignon. En 1967, il décide de l’ouvrir à d’autres disciplines telles que la danse, la musique…Maurice Béjart chorégraphie d’ailleurs pour la Cour d’Honneur du Palais des Papes.

Sur cette même période, d’autres passionnés tels que André Benedetto Et Gérard Gélas vont respectivement s’installés au théâtre des Carmes et au Théâtre du Chêne noir pour y présenter leurs créations. C’est ainsi qu’un festival parallèle se met peu à peu en place, connu aujourd’hui sous le nom de festival OFF d’Avignon. Festival OFF par rapport au Festival du IN initié par Jean Vilar.

      Quel est le principe du OFF aujourd’hui ? Des compagnies viennent de toute la France, elles mettent parfois toutes leurs économies pour se produire en Avignon parce que le festival est devenu un rendez-vous incontournable, une sorte de rite de passage pour le comédien de théâtre. C’est à la fois une fête du théâtre et un grand marché du théâtre. En effet, le festival est LE lieu où les programmateurs de tous les théâtres de province viennent faire leur marché, c’est à dire qu’ils choisissent les pièces qu’ils souhaitent programmer, dans leur théâtre, durant l’année à venir. Être au festival d’Avignon pour une compagnie, signifie donc espérer avoir des dates de tournée, dès la rentrée prochaine. C’est aussi un bon moyen de se faire connaitre, puisque se produire durant le festival, apporte une certaine visibilité et il plus facile qu’ailleurs de rencontrer « des gens du métier » comme on dit et donc d’élargir son réseau professionnel.

Aujourd’hui, la ville entière se mobilise durant les 3 semaines que dure le festival qui a lieu au mois de juillet. Entre le IN et le OFF, il y avait 1592 spectacles en 2019, 1070 en 2021 car, vous le savez, les mesures sanitaires ont quelques peu ébranlées le monde de la culture. Toutefois,  les compagnies sont pleines d’espoir et regorge de motivation pour préparer la cuvée 2022 !

      « La Semaine d’Art dramatique en Avignon » de Jean Vilar a donc pris de l’ampleur mais l’idéologie demeure intacte. Jean Vilar a toujours voulu un théâtre qui unisse, un théâtre populaire, un théâtre accessible à tous financièrement, mais également un théâtre qui rassemble au niveau national et c’est ce qui fait aujourd’hui, toute la beauté et toute la force de ce festival d’Avignon, que j’aime tant.