Franck Bonfils – Juste Bio, proposer des alternatives alimentaires responsables dans les supermarchés

Franck Bonfils - Juste Bio

Pour cette rencontre de la rentrée, je vous emmène à Carpentras pour échanger avec Franck Bonfils, créateur de la société Un Air d’ici & sa marque Juste Bio. Un Air d’ici souhaite aller au bout de la démarche d’une entreprise vertueuse :  vendre du bio conditionné en vrac ou en sachets biodégradables et compostables, rester et embaucher dans le Vaucluse & s’agrandir en construisant une nouvelle usine zéro déchet.

Nous avons évidemment parlé des débuts de l’entreprises et également du choix de proposer ces produits dans les supermarchés pour les rendre accessible au plus grand nombre. Tenter la consommation de produits en vrac demande un petit changement d’organisation au début, mais une fois les nouvelles habitudes prises, c’est un vrai bonheur de ne pas jeter des kilos de déchets juste après avoir rangé ses courses.

Je laisse Franck vous convaincre. Bonne écoute ! 


Les esperluettes de Franck : La persévérance et la résilience, les deux éléments indispensables pour continuer à développer l’entreprise et faire évoluer ce chiffre déjà impressionnant : Un Air d’ici économise 300 tonnes de plastique par an.


Si le zéro déchet vous intéresse, vous pouvez écouter également Céline Laplanche et Marjorie Cousyn, les créatrices de l’épicerie zéro déchet Le Petit Pot à Avignon.

Pensez à parler de cet épisode dEsperluette autour de vous, partagez-le sur vos réseaux sociaux et pensez à mettre 5 étoiles sur votre appli d’écoute audio préférée, ça m’aide beaucoup à développer ce podcast et faire connaître les belles énergies du Vaucluse.

A une prochaine, je l’espère-luette évidemment !

Propos recueillis par Marie-Cécile Drécourt

Crédit photo portrait Franck Bonfils : Mona Grid



Pour les malentendants, une version sous-titrée est disponible sur la chaîne Youtube Esperluette Podcast (pensez à activer les sous-titres)


vous pouvez lire l’interview dans son intégralité ci-dessous :

Marie-Cécile Drécourt :

« Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode d’Esperluette, le podcast à l’écoute des belles énergies de mon territoire, le Vaucluse . Pas besoin d’être vauclusienne ou vauclusien pour être inspiré·e par les entreprises,  créations artistiques ou associatives qui vont vous être présentées. Ici on partage surtout de belles idées des expériences inspirantes et une bonne dose d’informations positives qui vont vous donner envie d’avancer, de vous lancer et de partir à votre tour à la découverte de votre territoire. Je suis Marie-Cécile Drécourt, la productrice de ce podcast et j’espère que cette rencontre va ravir vos oreilles autant que je me suis régalée à l’enregistrer. Effectivement on va se régaler aujourd’hui puisque je vous propose d’écouter le parcours de Franck Bonfils, créateur de la société Un air d’ici et de sa marque de produits Juste Bio, basée à Carpentras. Un air d’ici souhaite aller au bout de la démarche d’une entreprise vertueuse : vendre du bio conditionné en vrac ou en sachets biodégradables et compostables, rester et embaucher dans le Vaucluse à Carpentras et s’agrandir en construisant une nouvelle usine zéro déchet. Nous avons évidemment parlé de la genèse de cette entreprise et de ses valeurs fortes et aussi de ce choix de proposer ces produits en supermarché pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Je vous laisse découvrir tout ça avec lui. Bonne écoute ! « 

Franck Bonfils :

« Je suis Franck Bonfils, le créateur de la société ‘Un air d’ici’ et sa marque Juste Bio. J’ai 45 ans et je suis originaire du Vaucluse. J’ai été expatrié au plus loin du Vaucluse à Aix en Provence pour faire mes études puisque j’ai fait Sciences Po à Aix. Et ensuite j’ai créé la société en 2000. Juste bio en fait c’est une entreprise qui source et qui achète partout dans le monde des produits bio ,qui les transforme et qui les conditionne en France et qui les vend ensuite en grande distribution, en vrac pour la plupart, mais aussi en sachets biodégradables et compostables. Ce sont des des fruits secs, des graines, des oléagineux et maintenant beaucoup de produits en vrac, voilà c’est ça Juste Bio.

[musique]

Etre entrepreneur a toujours été un objectif. Lorsque j’ai eu mon diplôme à Sciences Po, je faisais cuire des cacahuètes dans ma cuisine et j’allais les vendre dans les bars à Aix pour payer mes études. Je faisais la même chose l’été en remplaçant le sel par le  sucre pour faire des chouchous et aller les vendre sur la plage. Et puis un jour je me suis dit : je vais en faire mon métier. J’ai eu la chance de côtoyer sur les bancs de l’école un très bon copain qui avait un magasin U à Beaulieu-sur-Mer. Ca a été mon premier client et donc j’ai créé à l’origine une marque qui s’appelait La maison des bistrots. C’était des produits gras, salés, sucrés, dans des emballages en plastique, très, très lourds ; donc comme quoi il n’y a que les imbéciles qui  ne changent pas d’avis, mais néanmoins ça a été le début de ma carrière. Bien évidemment on ne m’avait pas attendu. Dès le début ce que j’ai fait c’est de me dire : bon la cacahuète ça existe, mais cette fameuse cacahuète de bistrot qu’on trouvait, qui était très salée, pour faire boire beaucoup de bière, qui avait une particularité c’est qu’elle était pelliculée, elle avait cette peau rouge autour et donc c’est ce qu’on appelle la cacahuète de bistrot. Ca, ça n’existait pas en grande distribution donc je me suis dit je vais faire ça, je vais créer une marque qui soit un peu … les autres faisaient de l’hyper-marketé, moi j’ai fait du vintage qui faisait un clin d’oeil à cette époque des bistrots. Les autres masquaient le produit, je le faisais voir, donc on a joué la transparence. Et puis le dernier point c’est que les autres faisaient du sachet, du complexe aluminisé,  je me dit je vais mettre ça dans des seaux en plastique, comme ça ils sont refermables et ils tiennent bien en rayon. Ca c’était le côté comptoir et puis on a eu La maison des bistrots, côté cuisine, avec ses fameuses noix de coco râpées, amandes en poudre, etc … Là aussi en jouant un peu la rupture parce que, de la même manière, on ne m’avait pas attendu pour avoir des gammes d’aides culinaires en magasin. Et très près de chez nous à Carpentras, on a le leader sur ce segment là. Ce que j’ai fait c’est que je suis allé chercher des produits de niche : du pavot bleu, du sésame doré, tous ces produits qui avaient à l’époque le vent en poupe, parce qu’on avait la tendance de faire son pain soi-même avec toutes les machines à pain, les farines. Donc on a référencé nos gammes comme ça, sur un marché de niche à l’origine. Et puis au fur et à mesure, j’ai pris conscience que se nourrir c’était quand même important. Notre santé et notre alimentation sont intimement liés à mon sens, c’est bien d’avoir des alternatives. Et je donne toujours l’image de l’amande, qu’on faisait, où en 2000 lorsque j’ai créé la société, l’amande elle était frite, salée et puis au fur  et à mesure on s’est dit : ouais on va essayer de la faire griller plutôt que de la faire frire. Ensuite on s’est dit on va la faire griller mais on ne va plus la saler, on va la mettre naturelle. Et puis au bout d’un moment on s’est dit : et pourquoi on ne la mettrait pas de naturelle complètement, donc de l’amande décortiquée. Puis à un moment, je dis ça serait logique de l’avoir en bio. A l’époque le bio était  totalement confidentiel en grande distribution. Et puis après on a continué un peu plus loin en disant : ben c’est quand même idiot d’avoir un emballage en plastique autour d’un produit bio. Donc on a poussé le curseur un peu plus loin. J’étais pas du tout, mais pas du tout un intégriste du bio et puis petit à petit j’y suis venu me disant : mais tiens ma santé va mieux lorsque je mange mieux et donc si je mange moins de cochonneries, j’irais mieux. J’ai commencé comme ça et puis comme beaucoup de personnes j’ai commencé par acheter les essentiels qu’on trouve en grande distribution en bio, parce que c’est vrai je ne poussais pas forcément la porte des magasins spécialisés. Et puis de plus en plus de choses et voilà.  

[musique]

On achète dans le monde entier. On ne transige pas sur la qualité. C’est compliqué on peut toujours avoir des doutes,  savoir si le certificat bio de la Thaïlande, de la Chine, de la Turquie aura la même valeur que celui de l’Allemagne, de la France. Par conséquent on a pris le parti d’analyser tous nos produits. On ne se satisfait pas du logo Ecocert mais en plus de ça on rajoute un niveau d’analyse : c’est que 100% des produits sont contrôlés ici, à l’arrivée. Donc au départ mais surtout ici à l’arrivée. Le deuxième point, je veux que tout soit fait ici, à Carpentras. Pas seulement parce que je  suis très attaché à ma région, pas seulement parce que tous les midis je veux aller faire du vélo pas loin du Ventoux, mais aussi parce que c’est un gage de qualité, de sécurité, de traçabilité. C’est aussi créer de l’emploi. On parle souvent du Vaucluse comme une région sinistrée, comme une région où il ne se passe rien. Si il se passe plein de choses. Il y a une entreprise qui a recruté 160 personnes en dix ans grâce à un engagement qui est vertueux. Ca c’est extrêmement important d’être un acteur de l’économie locale. Donc on travaille avec des ESAT ici, on recrute en local, c’est quelque chose d’extrêmement important. On a internalisé notre logistique, c’est pareil on avait un prestataire on a choisi d’internaliser, donc de créer 20 emplois supplémentaires, de reprendre du personnel qu’on avait chez ce sous-traitant parce que je trouve que la force d’une entreprise aujourd’hui ce n’est pas de la démembrer, c’est justement de tout avoir en interne. Là aussi c’est très différent de ce qui se fait dans les entreprises où on est en train de, le terme est très à la mode, d’uberiser toutes les professions. Nous on a plutôt la démarche inverse. C’est d’internaliser ça parce que je me dis qu’à la longue ça sera une vraie force que de pouvoir revendiquer la maîtrise totale de la chaîne et nous on a des sourceurs qui vont chez les agriculteurs pour chercher les produits. On a une usine qui transforme le produit, qui le traite, à Carpentras. 100% des produits sont à Carpentras, le service qualité qui l’analyse. Derrière on a des merchandiseurs, on a nos propres nos propres préparateurs qui assurent la logistique et derrière on a des merchandiseurs qui en magasin remplissent le produit, ça veut dire que vraiment du producteur au consommateur on le suit, on le trace, c’est quelque chose d’extrêmement important. Si vous sous-traitez tout ça finalement quel est votre valeur ajoutée ? D’être chef d’orchestre de tout un tas de sous-traitants, mais vous êtes dépendant de tout le monde, vous ne savez plus vraiment quel est votre métier. Moi mon métier c’est d’offrir aux consommateurs des produits de meilleure qualité possible en vrac ou en conditionné mais en tous les cas sans emballage polluant et des produits bio.

[musique]

En fait pourquoi « Juste bio » parce que ce qui est important c’est le juste geste et juste le petit geste. Petit geste après petit geste ça fait beaucoup d’économies de matières polluantes rejetées. Ca fait beaucoup de produits mis sur le marché qui sont bio et non plus conventionnels. Ma plus grande fierté c’est de me dire qu’aujourd’hui on est présent dans 6500 points de vente en France. C’est 6500 vitrines, portes d’entrée vers une consommation plus responsable pour le plus grand nombre. Je viens d’un milieu modeste où on n’avait pas l’habitude de manger du bio, où on n’avait pas l’habitude de pousser la porte d’un magasin spécialisé parce qu’on n’avait pas les moyens. Et j’ai toujours beaucoup de respect  pour mes consommateurs. Mes consommateurs en fait c’est vous, c’est moi, c’est le cadre parisien mais la vraie fierté qu’on a c’est que c’est aussi Monsieur et Madame Michu qui font du tourisme alimentaire le samedi après-midi dans leur hyper avec leurs caddies et leurs 5 enfants, un jour acheter du vrac et acheter du bio. On ne peut pas blâmer les gens. Monsieur et Madame Michu avec leurs cinq enfants, si on ne leur donne pas le choix de pouvoir s’alimenter différemment, ça ne marche pas. Je pense que le fait d’avoir pu se développer aussi vite en grande distribution a permis une démocratisation vraiment  des fruits secs bio mais surtout du vrac. Ca va avec ce qu’on vit dans l’entreprise : c’est le respect absolu de tous. Aujourd’hui, consommer mieux ne peut pas être l’apanage d’une certaine élite qui a le pouvoir d’achat pour le faire et qui en plus va juger les autres qui ne le font pas. Aujourd’hui quand on entend ces pionniers du bio revendiquer qu’ils sont plus verts que vert, que les autres sont les grands méchants loups, je ne suis pas certain que ce soit la bonne méthode pour arriver à convertir ou en tous les cas à convaincre, ou à faire évoluer  une majorité. Parce qu’aujourd’hui c’est 60 millions de consommateurs, vous prenez la part des gens qui ont la capacité d’aller dans des magasins spécialisés ; alors il y a le pouvoir d’achat mais il y a aussi autre chose c’est l’éducation qu’on a, on n’est pas on n’est pas éduqué à ça, elle  est très, très faible ; alors que si vous arrivez à aller chercher les gens dans leur consommation habituelle et en leur menant le choix dans leurs lieux de consommation habituels, peut-être que les magasins spécialisés, et les pionniers du bio et les historiques du bio etc qui aujourd’hui voient la consommation en grande distribution bio comme le grand méchant loup, peut-être que c’est ça qui est en train de semer une évolution de l’éducation du consommateur. Parce que les enfants, je reviens à Monsieur et Madame Michu, leurs enfants qui tous petits verront leurs parents commencer à dire « tient le vrac c’est pas mal parce qu’on consomme moins d’emballages et on pollue moins, peut-être que eux auront la démarche d’aller un peu plus loin, de dire « ah ouais, en effet, les parents faisaient ça, on achetait du vrac là, mais tu sais quoi c’est peut-être encore mieux de même pu prendre la voiture pour y aller, d’y aller à vélo, de faire du commerce local, … etc

[musique]

En fait c’était un pari, c’était  vraiment un pari parce que moi  j’ai emprunté pour acheter mes premiers meubles. J’ai fait faire des meubles, je suis allé voir le banquier, fallait qu’il m’aime bien, en lui expliquant : « alors je vais vous  xpliquer le concept, je vais acheter un meuble, je vais mettre des trémies dedans, je vais aller dans les magasins, je les fais pas payer au magasin. »

« Très bien donc en fait vous empruntez pour acheter un truc que vous faites pas payer ? »

« Oui mais par contre derrière on en a un concept où on va aller mettre les produits nous-mêmes en rayon, assurer la traçabilité et puis c’est quelque chose de vertueux parce qu’il y a plus d’emballages, parce que c’est du bio … »

Mais heureusement les banquiers m’ont prêté 100 000 euros à l’époque, ça a bien fonctionné dans les 10-15 premiers magasins qu’on a implanté. L’histoire du premier magasin en vrac c’est assez drôle. Je suis allé donc en grande distribution,  je leur ai expliqué : voilà le concept, le vrac, le meuble,.. ça ne marchera jamais.  On va avoir de la démarque, de la casse et les gens vont pas être respectueux, etc, etc. Je pense que plus on proposera un produit basique aux consommateurs moins il va le respecter. Et lorsqu’on met du bio, l’approche est différente et ça s’est vérifié. Bon ça a été compliqué parce qu’en fait les magasins n’y croyaient pas du coup ce que j’ai fait c’est que j’ai développé un meuble moi. Donc un meuble présentoir avec des trémies dedans. Je leur ait dit bon d’accord alors laissez-moi de la place, simplement, laissez moi un mètre, je vais installer. Et je vais le gérer moi parce que c’est une vraie complexité à gérer et nous on ne voulait pas prendre  le risque d’avoir quelqu’un d’autre qui remplisse nos trémies. En termes de traçabilité c’est compliqué et d’hygiène, donc il fallait des gens formés à ça. Donc je leur ai dit on va prendre nous la responsabilité d’aller remplir chez vous les trémies. C’est ce qu’on a fait. Mais en tous les cas ce refus a créé mon business model de la suite, et la suite ça a été très simple c’est que nous on a toujours eu le parti pris de travailler en direct avec le magasin. Et on a développé un meuble, 2 meubles, 10 meubles, 100, 1000 puis aujourd’hui 6500 et toujours avec le même modèle : notre meuble, nos produits, notre personnel qui remplit le meuble. On va au bout de la démarche. On va même beaucoup plus loin que ça c’est que même ce qui ne se voit pas maintenant n’est pas polluant, c’est à dire que les sacs qu’on livre dans les magasins pour remplir les trémies sont en matériaux biodégradables et compostables. C’est livré sur une palette, dans un carton, même l’adhésif du carton est en kraft, l’étiquette, dans la nouvelle usine on l’a supprimé parce que c’est marquage laser, bref on a supprimé tout ce qu’on pouvait supprimer. Au niveau du prix, sachant qu’on fait du vrac, le plus important dans le vrac c’est le prix de la matière. Après il y a un surcoût bien évidemment par que… c’est pas tellement l’emballage qui coûte cher, là pour le coup ça c’est négligeable, on l’a pris sur nos marges. Nous le vrai coût c’est la mise en rayon, c’est le suivi, c’est tout ça, mais en tant que tel ça coûte pas si cher que de switcher du plastique contre des matériaux biodégradables et compostables. Honnêtement, sur nos types de produits, on vend quand même des produits bio dont la composante du produit c’est 80 % du prix de vente, donc on est très impactés par les phénomènes de pénurie, on est sur un marché qui est quand même très compliqué, on est très impacté par la volatilité des prix du produit, mais on a des démarches avec des agriculteurs, avec des coopératives qui permettent de nous assurer des volumes stables d’année en année et donc d’éviter ces phénomènes de fluctuations trop importants ; en revanche le coût emballage il n’est pas énorme. Je ne dis pas que tout le monde pourrait mais sur des produits secs, sur des produits d’épicerie sèche comme on le fait demain … C’est d’ailleurs une hérésie absolue que d’aller dans les magasins spécialisés et de voir la quantité de plastique, la quantité de plastique ! Et nous, les magasins ne veulent pas entendre parler de nous parce qu’on est en grande distribution. Et puis on a tous nos propres contradictions : on peut aimer le hard rock et la musique classique, on peut aimer l’automobile et le vélo, on peut aimer manger des produits sains et bio et puis se faire un bon steak. Si on veut que les choses changent et que le monde évolue vraiment dans le bon sens, il faut quand même être tolérant et arrêtez de juger, d’être coercitifs, de manquer de respect. Si vous mangez bio il faut aussi ne plus utiliser sa voiture, se déplacer à vélo. Il ne faut pas classifier les gens. Il faut que tout le monde y ait accès et puis il faut aussi accepter qu’il y a des gens qui vont à une vitesse et d’autres à une autre. C’est dommage de voir qu’on n’est pas suffisamment suivi.

[musique]

On nous a mis dans des habitudes, néanmoins la crise qu’on vient de traverser, elle a eu deux effets majeurs : 1-produire une quantité de nouveaux déchets hallucinante, mais hallucinante   !

Et le deuxième effet, c’est un effet inattendu du confinement, c’est la prise de conscience que heureusement tout ça est réversible, et vite. On a vite vu les oiseaux revenir, on a vite vu le ciel se dégager et qu’on entend des choses qu’on n’entendaient pas avant, que les eaux devenaient plus propres, que … enfin bref on peut en citer plein. Et le confinement a fait qu’on a été chez nous , qu’on a été obligé de faire à manger matin, midi et soir, pour toute la famille, qu’on est allé acheter ses courses généralement en supermarché ou au drive, ou en tous les cas pas très loin de chez soi et qu’on a vu la quantité d’emballages qu’on jetait. Et quand on regarde au fond de notre poubelle on se dit « quand même, là si je regarde bien, les 3/4 je n’en ai pas besoin ». J’ai expérimenté aussi pendant le confinement la quantité de déchets qu’on pouvait produire. Alors je consomme en vrac, donc j’en avais beaucoup moins, mais pour en discuter avec des jeunes c’est un truc qui les a marqués. Et on le voyait, je sortais de chez moi, je voyais les poubelles elles étaient tout le temps pleines. Il y a vingt ans quand je conditionnais mes cacahuètes dans des pots en plastique je n’étais pas sensible à la chose simplement parce qu’on ne m’y avait jamais sensibilisé. Je venais d’un milieu modeste, on ne parlait pas vraiment de l’écologie. Mais aujourd’hui on a la chance de pouvoir parler de ces choses-là, de pouvoir les diffuser à beaucoup de monde, sans distinction sociale, sans distinction de rien et ça c’est quelque chose d’assez extraordinaire, avec tous les travers que ça a quant à la qualité de l’information qui est fournie mais néanmoins on peut avoir accès à beaucoup de choses aujourd’hui. Le fait d’avoir démocratisé le bio, ça fait partie  d’une démarche qui est souhaitée. Moi je ne me revendique de rien. Le bio ne m’appartiennent pas, le vrac m’appartiennent pas. J’y ai cru, j’y crois, je l’ai poussé et je le défends bec et ongle, en tout cas le sans emballage et le moins d’emballage possible, et le moins de pollution par l’emballage possible, parce que je l’expérimente je sais que c’est possible, maintenant ça ne m’appartient pas. Et je ne vais pas juger quelqu’un qui qui développe la même logique que nous, au contraire ! Quand on avait fait des calculs, il y a un chiffre qui m’a marqué, c’est dire que grâce au vrac on a économisé 300 tonnes de plastique par an. Vous imaginez à l’échelle d’une petite PME  comme la nôtre à Carpentras. Ce que j’aimerais c’est qu’à force d’éduquer le consommateur, on ait un sentiment de culpabilité. Moi c’est ce que j’ai développé, perso, vraiment ! En gros, aujourd’hui je culpabilise à ouvrir un sachet en me disant je pourrais faire autrement. Et ça, c’est une étape énorme, c’est celle de la prise de conscience. A partir du moment où on se dit ah ben mince, pourquoi j’ai fait ça, pourquoi ?

Légiférer là-dessus pourquoi pas ? Parce que derrière il y a un vrai rôle, de  la part des magasins et des distributeurs, à jouer sur : imposer, parce que c’est eux qui donnent le tempo. Au final 50 % des volumes sont faits sur ce qu’on appelle la MDD, la Marque De Distributeur, les produits à marque. Ces produits à marque, en fait, les distributions donnent des cahiers des charges aux industriels qui fabriquent pour eux. Pourquoi ne pas intégrer dans des cahiers des charges un emballage déjà, ne serait-ce qu’un emballage compostable ?  Et là vous en enlevez du plastique ! Le distributeur doit pouvoir donner le choix aux consommateurs, de consommer différemment. Et derrière consommer différemment s’est être éduqué. La dynamique elle y est aujourd’hui, c’est à dire qu’on a un consommateur qui est sensibilisé à la cause environnementale et sensibilisé au gaspillage. S’il est sensibilisé à ça, fatalement il va se tourner vers des produits qui sont un peu plus vertueux. Sauf que si le distributeur lui il n’a pas l’offre qui va en face, ça ne marchera pas.  Et l’inverse fonctionne aussi : si le distributeur n’a que des produits gras, salés, sucrés, dans des emballages lourds et que le consommateur s’attend à des produits moins transformés comme c’est le cas en ce moment, avec moins d’emballages, dont la la liste des ingrédients est simpliste, ça sera ça sera compliqué, il faut que l’offre et la demande de matchent. 

[musique]

On applique à tous les niveaux les petits gestes du quotidien, c’est à dire que ces produits qu’on a dégraissés, qu’on a moins salés, qu’on a rendus plus vertueux, le schéma de l’amande, on l’applique aussi dans dans tout ce qu’on fait au quotidien. En se posant systématiquement la question de dire qu’est ce qu’on pourrait faire de différent qui soit eilleur, qui soit plus vertueux, et ça on l’applique sur l’humain en premier lieu, ce qui est hyper important. Et ça veut dire quoi ? Ca veut dire que chez nous la valeur du diplôme compte moins que la valeur de l’individu que vous avez en face. Que on ne s’arrêtera jamais à un sexe, à un âge ou à tout autre chose pour recruter, que le bien-être des salariés c’est quelque chose… Tout le monde vous dira la RSE … Mais la vérité c’est de se dire que ça doit transpirer chez le dirigeant. C’est prendre le temps de discuter avec les gens, même si aujourd’hui à plus d’une centaine de personnes c’est toujours beaucoup plus compliqué que quand on était 10, mais malgré tout je prends le temps de le faire. On prend le temps de se voir, de se parler, on va mettre en place quelque chose on en parlera dans les médias, mais c’est la première fois que j’en parle du coup, on va lancer un produit associatif entre guillemets où on va faire un espèce de casting avec des associations qui ont un vrai sens et ne pas s’arrêter à de l’environnement parce qu’il y a beaucoup d’associations qui ont de vrais engagements et on va financer ça par un produit qu’on aura dans notre gamme et c’est fait par un comité de salariés. Ce n’est pas moi qui vais suivre ça, c’est un comité de salariés qui ira s’engager avec l’association, qui ira amener les moyens financiers, les moyens humains donc ça, ça mobilise. Après on essaie de faire des déjeuners de manière régulière tous ensemble. Alors un coup pour les personnes de production , à leur pause ils ont des petits desserts. On essaie toujours de faire faire ces repas là par des petits restaurateurs locaux . Il y a une somme de détails et la nouvelle usine sera un peu une récompense. C’est vraiment une récompense pour tous les gens qui sont dans l’aventure là. On a recruté beaucoup sur ce site là qui n’est pas forcément adapté, on a la perspective de l’usine bientôt. Tout le monde sera très heureux d’y être et on aura enfin l’écrin à la hauteur de ce qu’on y met dedans. Au final moi j’ai été un peu l’initiateur de ça, je suis le chef d’orchestre de ça, mais je suis toujours interloqué, subjugué, épaté, de voir à quel point les gens sont investis autour de moi. Ils sont investis dans un vrai projet d’entreprise. Et je pense que pour arriver à ce niveau d’engagement du personnel, quand on voit les prouesses qu’on arrive à faire sur le site actuel. Il faut croire en un projet, vraiment il faut se dire que quand même ce que je fais, chaque jour c’est pas simplement mettre des amandes dans des sachets, non. En fait c’est mettre des amandes bio, qui ont été contrôlées ici, qui sont conditionnées en France, je crée de l’emploi ici, je les conditionne dans un sachet qui est biodégradable et compostable, qui le premier à avoir été mis sur le marché en Europe dans une entreprise qui a une croissance incroyable et qui investit, qui construit une usine qui sera la première usine zéro plastique en Europe, donc je pense que ça c’est une vraie motivation et c’est ce qui nous pousse un peu tous les matins à nous lever.

[musique] Esperluette [musique]

L’inspiration du moment ça serait un mot : c’est la persévérance et la résilience. Deux mots qui sont importants pour moi en ce moment parce que la croissance peut être difficile à gérer aussi. On me dit toujours ce sont des bonnes problématiques, certes. Ca reste des problématiques, ça reste un engagement énorme. J’ai beaucoup de chance c’est d’avoir des équipes qui sont hyper mobilisées autour de moi, parce qu’il ne faut quand même pas oublier qu’en cinq ans on est passé de 15 à 80 millions de chiffre d’affaires, de 20 à 120 salariés, d’un petit site à Carpentras à un multi-site dans le Vaucluse, et un projet d’usine qui a mis du temps parce qu’on a eu des péripéties au milieu, de la logistique intégrée. Donc  il faut de la persévérance, de la résilience parce qu’il faut quand même se dire qu’à un moment tout ça on le fait en ayant un but, et je crois que si je n’avais pas ce fil conducteur du petit geste du quotidien, de dire que tout ça a un sens, tout ça a de la valeur, je ne sais pas si j’en serai là aujourd’hui.

[musique] Esperluette [musique]

Tant qu’on arrive à garder l’humain au centre des préoccupations, je pense qu’il n’y a pas de limite. Après ce qu’il faut c’est tout le temps, tout le temps se remettre en question, et tout le temps arriver à sentir un peu les choses et à garder le contact. La meilleure manière de sentir les choses c’est de garder le contact en permanence. Oui c’est compliqué, on a des salariés dans toute la France aujourd’hui donc je sais très bien qu’il y en a que je vois moins que d’autres, mais néanmoins ils ont une proximité avec leur manager, avec qui moi j’ai plus de proximité, donc ça devient un peu pyramidale mais je pense que chez Un Air d’Ici, tout le monde sait : 1- pourquoi il travaille et 2- pour qui il travaille. Heureusement ! Donc tant qu’on garde ça c’est plutôt pas mal. Ce que je souhaite pour l’avenir d’Un Air d’ici, en fait c’est assez simple, c’est continuer de la croissance vertueuse, c’est continuer ce qu’on a entamé sachant qu’aujourd’hui on ne sait pas où est la limite, on ne sait pas où ça s’arrêtera. Il y a vingt ans quand j’ai commencé j’étais loin d’imaginer que je ferai des produits sans emballage. Il y a cinq ans j’étais loin d’imaginer que je conditionnerai des produits dans un emballage compostable qui ressemble à s’y méprendre à un sachet normal donc qui sait demain.

Demain il y aura peut-être encore des nouveautés. Jamais oublier ces 300 tonnes de plastique par an qu’on a économisé, chaque fois que je me le dis je les matérialise. C’est énorme et tout ça c’est simplement le fruit de petits gestes donc je souhaite simplement que ça continue comme ça,  je ne suis pas très gourmand ! »

[musique]

Marie-Cécile Drécourt :

« Merci Franck de montrer qu’il est possible de développer une entreprise vertueuses et d’innover en conservant la chaîne de production et d’expédition en local. Chacun de nous a effectivement ses contradictions et il n’est pas possible d’imposer à tous d’évoluer vers une consommation responsable au même rythme. Proposer des alternatives saines et respectueuse de l’environnement là où le plus grand nombre fait ses courses est à mon avis également une bonne manière de marquer les esprits et d’amener au changement. Si vous souhaitez vous régaler, rendez-vous dans le vrac store sur justebio.bio et sur leurs réseaux sociaux Facebook, Instagram, Pinterest et LinkedIn. Tentez la consommation des produits en vrac ça demande un petit changement d’organisation au départ, mais une fois les nouvelles habitudes prises, c’est un vrai bonheur de ne pas jeter des kilos de déchets juste après avoir rangé ses courses. Si la question du zéro déchet vous intéresse vous pouvez réécouter sur Esperluette Céline Laplanche et Marjorie Cousyn qui ont ouvert il y a trois ans Le Petit Pot, épicerie zéro déchets basée dans le centre-ville d’Avignon et puisque la rentrée est souvent une période où l’on prend de bonnes résolutions, si ce n’est pas déjà fait abonnez-vous à Esperluette sur votre application d’écoute préférée et postez un commentaire sur Apple ou sur les réseaux sociaux de ce podcast sans emballage. A une prochaine je l’espère-luette évidemment ! «