Brune Passini - La Manufacture du siècle - Carpentras sur Esperluette podcast vaucluse

La Manufacture du siècle, transformer un produit ordinaire en expérience extraordinaire

Esperluette est allée à Carpentras pour rencontrer Brune Passini, la créatrice de la Manufacture du siècle

En 2021, pour la 30 ème rencontre d’Esperluette, j’ai eu envie de douceur. Pour cela je vous propose d’écouter ma rencontre avec une créatrice d’expérience sensorielle, Brune Passini et sa marque La Manufacture du siècle. C’est une savonnerie artisanale basée à Carpentras qu’elle a ouverte avec sa sœur Isaure en 2016.

Nous allons parler d’un produit qui peut paraître très banal au premier abord, que l’on utilise sans faire attention à sa composition : le savon. Il nous sert dans ce moment d’intimité qu’est la toilette, qui peut, si on en prend un peu plus conscience, devenir un véritable moment de bien-être et de connexion à soi. 

Pour que le moment de la douche soit des plus agréables, Brune et Isaure ont décidé de créer des savons à base de produits naturels, pour la plupart bio mais surtout produits le plus localement possible. 

Brune va vous expliquer tout ça ici.

Bonne écoute ! 


Les références de cet épisode : 

Retrouvez Brune et Isaure sur leur site internet : https://www.lamanufacturedusiecle.fr/  
 
Cet épisode d’Esperluette a été pensé, enregistré (novembre 2021) et produite par Marie-Cécile Drécourt.
 
Création graphique de la carte : Maxence Brun
 

Pour les malentendant·es, l’épisode est entièrement retranscrits ci-dessous

Introduction de l’épisode :

Marie-Cécile :

Bonjour à toutes et à tous

Cette semaine, pas de nouvel épisode mais comme vous êtes beaucoup à avoir découvert le podcast récemment et qu’il y a déjà plus de 200 épisodes, entre deux montages de nouveautés, je vais rediffuser des anciens épisodes pour vous donner l’occasion de les écouter ou les réécouter. 

Si vous découvrez Esperluette par cet épisode, petit rappel ’Esperluette c’est  le podcast qui va vous faire écouter le Vaucluse. Mais pas besoin d’être vauclusien ou vauclusienne pour l’écouter, chacune de mes interviews peut vous inspirer et apporter du positif dans vos oreilles, peu importe là où vous habitez.

Aujourd’hui, c’est un épisode plein de douceur, grâce à ma rencontre avec Brune Passini.  J’ai parlé avec elle d’un produit qui peut paraître très banal au premier abord, que l’on utilise sans faire attention à sa composition : le savon. Il nous sert dans ce moment d’intimité qu’est la toilette, qui peut, si on en prend un peu plus conscience, devenir un véritable moment de bien-être et de connexion à soi. 

Brune Passini est la créatrice de la Manufacture du Siècle, une savonnerie artisanale basée à Carpentras qu’elle a ouverte avec sa sœur Isaure il y a 7 ans. 

Pour que le moment de la douche soit des plus agréables, Brune et Isaure ont décidé de créer des savons à base de produits naturels, pour la plupart bio mais surtout produits le plus localement possible. 

Elles ont depuis l’interview enregistrée en 2019 aussi sorti des huiles végétales pour le visage à base de pépins de grenade ou de noyaux d’abricot, des brumes de lits aux senteurs gourmandes et ouvert une boutique à Nice. 

Je  laisse Brune vous expliquer ses inspirations, son travail et sa passion pour les produits de qualité.’

Bonne écoute ! 

Présentation Brune, la créatrice de la Manufacture du siècle

Brune :

Je suis Brune Passini, j’ai 36 ans. Je suis savonnière, créatrice de la Manufacture du Siècle. On est implantées à Carpentras depuis 2016 et on est spécialisées dans la fabrication de savons saponifiés à froid. J’ai une associée qui est ma petite sœur, Isaure, et on travaille ensemble depuis le début. Aujourd’hui, elle est chargée de la fabrication et moi, je suis chargée de la conceptualisation et de la vente des produits.

Je suis une autodidacte, en fait. J’ai une maîtrise en littérature française et histoire de l’art, que j’ai passée à Nice, puisqu’on est originaire de Nice, toutes les deux. Et après mes études, en fait, j’ai travaillé dans le domaine des beaux-arts, dans le commerce. J’ai travaillé dans le monde des bijoux. Et puis, je m’intéressais à la naturopathie, à la nature aux plantes.

J’ai fait une école de naturopathie, et de fil en aiguille, un jour, je suis tombée sur le blog d’une jeune femme qui faisait des savons à froid en Normandie. Et en fait, l’idée m’est tombée dessus, mais vraiment du ciel, en fait. Je me suis dit : « C’est ça, c’est du savon que je veux faire. » Voilà.

Une forte envie d’être indépendante et d’apprendre

Je cherchais à être indépendante depuis toutes ces années, c’est quelque chose qui me tenait au cœur, et je ne savais pas vers quoi me diriger. Je savais que je voulais faire quelque chose de mes mains, avec un ancrage local, avec des produits locaux. Mais je ne savais pas quoi.

Et un jour, voilà, l’idée est venue. Je me suis dit, je vais me lancer dans le savon. Je me suis inscrite à une formation chez une savonnière. Ça a duré deux, trois jours. C’était vraiment pour apprendre les bases. Et une fois que j’ai acquis ces bases, en fait, là, j’ai fait un travail d’autodidacte.

Pendant deux ans dans ma cuisine, j’ai fait du savon. Ça a été de la théorie que j’ai mise en pratique. J’ai savonné, savonné, savonné. Donc, j’ai fait du savon pendant deux ans. Et au bout de deux ans, j’ai conceptualisé ma marque, et j’ai fini par la créer.

Un projet individuelle qui se transforme en entreprise familiale

À la base, en fait, moi, mon projet, c’était de monter sur Paris. Je voulais absolument quitter la côte et monter cette savonnerie sur Paris toute seule. Et au dernier moment, ma sœur s’est greffée au projet, et elle m’a dit « bah, si tu veux, voilà, moi, je viens de m’installer dans le Vaucluse, dans la maison familiale de notre arrière-grand-père ». Elle venait de quitter son travail, et donc, elle était disponible. Elle m’a dit : « Si tu veux, voilà, on peut travailler ensemble ».

Et donc, j’ai saisi cette opportunité. Je lui ai appris la savonnerie. C’est comme ça qu’elle a été propulsée cheffe de la fabrication, et moi, j’ai pu m’occuper plus tranquillement de tout le reste, en fait. C’est un binôme qui nous a permis d’avancer beaucoup plus vite, je pense, que si j’avais été seule.

La manufacture du siècle : haute savonnerie artisanale

C’est de la haute savonnerie artisanale. J’aime bien. Alors t’as la haute couture. Moi, je fais de la haute savonnerie, j’essaye en tout cas. En tout cas, voilà, c’est ce que je vis, c’est ce que j’ai dans mon viseur. C’est ça qui est très excitant, je trouve, en fait, qui rend ma vie belle !

Comment faire du savon ? C’est très, très simple. Je dirais que c’est même encore plus simple que de faire un gâteau. Le savon, il faut du gras, des triglycérides : ça peut être des huiles, des beurres. Il faut de la soude caustique, et il faut de l’eau. Lorsque tu mélanges ces trois ingrédients, il y a naturellement une réaction qui s’opère, qui s’appelle la saponification.

Et en fait, la soude va transformer les triglycérides, le gras en fait, en molécules de savon glycériné. Une fois que tu as cette recette de base, tu peux jongler avec toutes les huiles, les laits, les huiles essentielles. Tu peux y agréger tous les ingrédients que tu veux en fonction des particularités que tu veux donner à ton savon.

Si tu veux faire un savon exfoliant, tu vas y ajouter des graines de pavot ou de la poudre d’amande. Si tu veux un savon très crémeux, tu peux y ajouter du lait de chèvre ou du miel. En fait, c’est très créatif. Ça se rapproche vraiment de la cuisine, et c’est à l’infini.

Alors après, évidemment, il y a des choses qu’il faut savoir. Chaque huile a un indice de saponification. Il y a des petits calculs à faire, mais une fois que tu maîtrises ça, c’est vraiment un procédé qui est extrêmement créatif.

Savonnier, une profession réglementée

Il faut savoir que le métier de savonnier, en fait, ce n’est pas une profession réglementée. Comme coiffeur ou boucher, il n’y a pas de diplôme qui te reconnaît en étant comme savonnier. En revanche, ce qui est réglementé, c’est la vente. C’est-à-dire qu’à partir du moment où tu veux mettre sur le marché un produit cosmétique, tu es obligé de le déclarer au niveau européen. Et donc, chaque entreprise est référencée et chacune de tes formulations est déclarée au niveau européen.

Mais il faut que, effectivement, la recette soit validée par un professionnel de santé. Ça peut être un médecin, un pharmacien, un toxicologue ou même un vétérinaire. Mais il faut qu’une personne qui ait ces compétences, en fait, reconnaisse que ton produit ne fera pas de mal au consommateur. Et à partir de là, voilà, tu peux le mettre sur le marché.

Créer avec ce que la nature nous donne

Les parfums naturels seront naturellement moins forts, beaucoup moins présents. Encore une fois, on est tributaires de la nature. Et c’est vrai que comme on est habitué à avoir des gels douche ou même des savons, rose fluo, senteur barbe à papa… en revenant au naturel, encore une fois, on ne peut pas être mis tellement en concurrence parce qu’en fait, on propose autre chose.

Et aussi, tout simplement, parce que comme on utilise des huiles essentielles, on est limité dans leur utilisation. Donc voilà, on ne peut pas dépasser une certaine dose pour protéger le consommateur. Ça fait partie de la réglementation cosmétique.

Apporter une expérience sensorielle avec un produit de base, le savon

C’est un savon nettoyant. Mais ce qui est intéressant, c’est d’essayer d’apporter autre chose que la dimension un peu prosaïque du nettoyage. C’est d’apporter une expérience sensorielle à travers la texture, c’est-à-dire la mousse, qu’elle soit la plus luxuriante possible.

Ce qui est une gageur avec les produits naturels parce qu’on n’arrivera jamais à faire, à atteindre le degré peut-être de mousse ou de sensorialité d’un produit industriel, puisque naturellement, on travaille absolument sans conservateur, sans agent de texture, agent moussant, ni quoi que ce soit. Mais voilà, à partir du naturel, comment est-ce qu’on peut rendre l’expérience la plus agréable possible ?

En même temps, je ne m’estime pas du tout en concurrence avec mes confrères qui font du savon industriel parce qu’on est vraiment sur une autre expérience. Moi, je suis sur une expérience qui est presque de la déconsommation parce qu’on fait un produit qui est exceptionnel avec des ingrédients qui sont exceptionnels.

On n’est pas dans un esprit de consommation et d’accumulation. C’est quelque chose que perçoivent très bien mes clients. En général, ils viennent chercher un savon qui va leur durer trois semaines, un mois. Ils ne vont pas chercher l’accumulation, ils vont profiter de cette expérience qu’ils ont. Et c’est ça, ils consomment moins mais mieux et ils apprennent à ré-apprécier, à re-conscientiser ce rituel qui est le lavage.

Conscientiser le rituel de la douche

Et je trouve que le savon s’y prête vraiment parce que quelque part, tu redécouvres ton corps. Je fais souvent une comparaison que je trouve éclairante. Pour moi, le savon, c’est vraiment un paradoxe avec la société contemporaine qui est un petit peu artificielle. Et je trouve que le savon, c’est une façon de se ré-ancrer dans le physique parce que c’est quelque chose de solide. Contrairement au gel douche, tu ne sais pas vraiment ce qu’il y a dedans. Il te glisse entre les mains, alors tu en remets toujours plus. Tandis que le savon, c’est un autre rapport.

On est obligé de le passer sur son corps. Tu passes sur tes jambes, tu passes sur tes cuisses, tu passes sur ton ventre, tu essaies de le passer dans ton dos. Il y a quelque chose de sensoriel dans le savon qui nous ré-ancre, qui nous oblige à re-conscientiser ce rituel, ce rituel de la douche.

Le localisme comme principale source d’inspiration

Le localisme, c’est quelque chose qui est au cœur de notre préoccupation. Et je ne voulais pas faire un métier artisanal sans mettre en avant les produits locaux. Ça fait partie aussi de mon schéma créatif. Lorsque je conceptualise un produit, j’essaie de partir de ce que j’ai autour de moi, dans mon environnement immédiat, ce qui est la définition du localisme.

Qu’est-ce qu’on a autour de soi ?

Comment est-ce qu’on peut agencer les éléments qu’on a autour de soi pour essayer de créer quelque chose ?

J’aime bien partir de cette base-là pour la formulation d’elle-même. J’observe ce que j’ai autour de moi.

Le savon Santo Sospir, quelles inspirations pour le créer ?

Par exemple, si tu prends notre dernier savon le Santo Sospir, on a travaillé sur l’idée du bleu de l’indigo persicaire qui est cultivé dans les bouches du Rhône par deux jeunes femmes qui travaillent en agriculture biologique. J’ai trouvé que ce bleu était extraordinaire et je me suis dit : « qu’est-ce que je pourrais faire avec ce bleu ? »

Et autour de cette idée du bleu, je conceptualise. Je me dis que si je vois un savon bleu, quel parfum est-ce que je pourrais lui associer ?

Quel emballage je pourrais lui associer ? Quel univers je pourrais lui associer ?

Et après, partant de là, ça c’est mon inspiration avec mon passé, ma propre imagerie. Je brode autour de cet ingrédient local qui est mis à ma disposition et je me dis voilà, quel parfum est-ce que je peux associer à ce bleu ?

Quel univers je peux associer à ce bleu ?

Je pioche dans cette espèce de réservoir qui est mon inspiration, qui est constituée de mon imagerie, de tout ce qui est relatif à mon passé, à mes expériences, à ce qui me plaît en fait, à ce que je projette aussi, à mes rêves et tout ce qui m’inspire. Et je crée un univers autour de ça.

Les clients s’approprient les produits pour se raconter leurs histoires

J’estime qu’à partir du moment où le client il s’approprie le produit, quelque part, je n’ai plus de prise dessus et c’est à lui aussi à me raconter ce qu’il ressent, ce qu’il reçoit, ce que le parfum lui inspire. Et ça, c’est des choses qui sont extrêmement personnelles, surtout en ce qui concerne le parfum. J’entends de tout. Ça éveille chez les gens certains souvenirs. Chacun a sa madeleine de Proust en fait.

Mais voilà, c’est la création, une fois que le client l’a, ou la personne qui l’a acheté, qui a le produit. Moi, j’estime qu’il ne m’appartient plus. Mais c’est un échange intéressant justement. En général, quand des gens rentrent chez nous, ils perçoivent assez vite notre univers et ça leur fait toujours quelque chose .

Une expérience sensorielle aussi en boutique

Ça leur rappelle des choses un peu. Peut-être parfois un peu désuètes parce que c’est vrai que nous, on a une inspiration qui est volontairement un peu ce que les gens appellent du vintage en fait. Mes premières créations, elles étaient très influencées par l’art déco, l’art nouveau. C’était très orienté début vingtième.

Et maintenant, j’estime que j’en ai fait un petit peu le tour. Donc, je m’oriente vers des choses un peu plus contemporaines. Je suis très influencée par le design et l’esprit des années 80. Je trouve que c’était une époque où il y avait un essor joyeux. Alors, c’était aussi les débuts de la grande consommation. Mais il y a une espèce d’élan joyeux avec toutes ces couleurs très vives, cette gaieté.

La création jusqu’au packaging pour une expérience unique

Ce sont des choses qui me font plaisir et j’ai envie de les impulser dans mon travail en fait. Je m’occupe du packaging et ça, c’est… Je pense que je n’aurais jamais créé ma marque si je ne pouvais pas m’exprimer au travers de ce biais-là en fait. C’est lorsque je crée un produit, nécessairement, tu as des images qui viennent en fait dans mon esprit. Et j’ai besoin vraiment que pour que l’expérience soit complète, j’ai besoin de lui proposer un habit en fait. J’ai besoin de lui proposer un écrin pour que la personne qui l’utilise rentre dans une espèce d’univers en fait.

C’est un univers complet. Tu as l’odeur, le son avec la texture et tu as l’image. Les clients les gardent. J’ai des clientes de la première heure qui me disent qu’elles les alignent dans leur salle de bain. Ce qui est sympa, c’est que c’est déclinable à l’infini parce que par exemple, tu vois, le dernier Santo Sospir j’ai fait des posters avec. J’ai fait des cartes postales. Je voudrais faire des magnets, des stylos. Cette idée de l’image m’obsède pas mal.

Le cap des 5 ans pour la Manufacture du siècle

On dit il y a le cap de trois ans, après il y a le cap des cinq ans. Moi, je sens vraiment qu’on est en train de dépasser le cap des cinq ans. On va dire que les quatre premières années, elles ont été vraiment très formatrices pour nous. En fait, c’était une expérience de fou. Maintenant que j’y réfléchis, on s’est jeté comme ça sur le marché. On était seules en fait. Il n’y avait personne derrière nous. Il n’y avait pas d’investisseurs. Il n’y avait pas de… businessman pour nous conseiller.

On s’est jetées en fait un peu dans la gueule du loup, dans l’aventure comme ça, en faisant un tout petit peu à la sauvage. Donc, j’estime que moi, ces cinq premières années, elles ont été vraiment formatrices.

On a beaucoup appris d’année en année, on a un chiffre d’affaires qui a évolué gentiment. Évidemment, ce ne sont pas des chiffres d’affaires qui sont colossaux, mais qui ont évolué d’année en année. Et je crois que là, cette année, on est vraiment en train de passer un cap.

Se sentir légitime

Je nous considère vraiment à présent vraiment comme des professionnels. Je me suis toujours sentie assez légitime, mais je dirais que là, je prends vraiment les choses au sérieux. Jusqu’à présent, j’aurais peut-être accepté l’idée d’arrêter si ça ne se présentait pas bien. Mais là, je me dis, il y a vraiment quelque chose à faire. Il faut vraiment continuer à se battre parce que ça pourrait devenir quelque chose de vraiment intéressant en fait.

Tout doucement, on étend la gamme toujours en travaillant à partir des matières premières qui sont autour de nous. On a créé une huile pour le corps. On a créé un baume. Et petit à petit, voilà, on s’étend.

Les envies pour étendre la gamme

On va créer d’autres gammes de savon. J’aimerais beaucoup développer le parfum, le parfum naturel qui est encore un produit encore relativement de niche en France. Travailler autour de l’aromathérapie, essayer de tirer un maximum, tout ce que je peux, de ces matières-là. C’est aussi pour ça qu’on s’est installé dans Vaucluse parce qu’on est le département qui compte le plus d’exploitation agricole. Donc, on a tout à portée de main.

L’implantation dans le Vaucluse et le rapport au monde agricole

Pour moi, ça me paraît complètement légitime, normal de faire travailler. C’est les acteurs du territoire. C’est les acteurs du monde agricole, en fait. Personnellement, c’est ce qui m’intéresse et je me sens presque investie d’une mission … Moi, je parle beaucoup des agriculteurs. C’est une cause qui me touche énormément.

Sachant qu’il y a un agriculteur qui suicide tous les deux jours en France, je trouve ça inadmissible de ne pas les mettre plus en avant que ça, en fait. Et personne n’en parle jamais. J’ai l’impression qu’on est un petit peu… Tu as la Provence, tu as Vaucluse, tu as la France et il y a le reste du monde, en fait.

Dans un contexte de mondialisation, comment est-ce qu’on fait pour être pérennisé ?

Ma sœur Isaure, donc, qui est chargée de la fabrication, elle quand elle va chez les producteurs, elle enfile ses bottes, elle traverse le champ avec les vaches à Monteux et elle va chercher le lait comme comme ça. Elle va chez la chevrière, elle va chez l’apiculteur à la source. Il n’y a pas d’intermédiaire. En tout cas, pour les matières premières comme ça.

Après, évidemment, il y a des matières premières comme plus exotiques. Le beurre de karité, l’huile de coco, ce genre de choses-là. Évidemment, on passe par un intermédiaire. En bio, d’ailleurs. Mais voilà, dès qu’on peut sourcer localement, on le fait.

Le choix de ne pas être labellisé bio

On n’est pas labellisé bio. Alors, ça a été un gros sujet pour nous parce que mes fournisseurs et mon principal fournisseur de colza et de tournesol, qui sont les matières que tu retrouves le plus dans nos produits, en plus grande quantité, je veux dire. Le plus gros pourcentage dans nos formulations, c’est du colza et du tournesol qui sont locaux. C’est-à-dire que mon fournisseur, il est à Bédarrides.

Donc voilà, on ne peut pas faire mieux, je pense. Lui, il n’est pas en agriculture biologique. Il est en conversion. Il va l’être bientôt. Mais en tout cas, quand on a commencé il y a 5 ans avec lui, il ne l’était pas. Mais j’estimais que c’était plus important pour moi que ce soit local que bio. J’ai déjà entendu l’inverse. En prospectant chez des distributeurs, j’ai approché une chaîne de magasins bio local. J’ai présenté mon travail. Et il m’a dit : « oui, mais vous n’avez pas de label bio ». J’ai dit « oui, mais c’est monsieur untel, vous voyez, il est a Bédarrides. Il n’est pas loin. Vous pouvez y aller. Allez le voir. Je le connais et vous-même, vous pouvez aller le voir. » Et la personne m’a répondu, c’est le directeur du magasin. Il m’a répondu « oui, mais vous savez, le bio, c’est plus important que le local. »

Alors, je me suis dit là, on n’a pas la même philosophie parce que le bio qui vient de l’autre bout de la terre, personnellement, ça ne m’intéresse pas. Voilà. Je n’ai rien contre le local et bio. Il n’y a pas de souci. Mais voilà, simplement, j’avais ce… Je n’ai pas voulu laisser tomber mon fournisseur. Et d’ailleurs, je pense que j’ai bien fait parce que là, en ce moment, il est en train de se convertir en bio. Donc, ça fait que nous aussi, je pense que bientôt, on pourra prétendre à l’obtention d’un label bio, sachant qu’on est déjà lauréat de la mention de Slow Cosmetics.

Donner confiance en produisant des produits de qualité

Pour moi, le bio, c’est un contrat de confiance. C’est-à-dire que je n’exige pas qu’il y ait marqué bio sur un produit pour que ce soit… Pour que je sache que ce soit un produit de qualité, en fait. J’aime mieux un pas bio à côté de chez moi qu’un bio lointain. Surtout que bio, qu’est-ce que ça veut dire ?

Il faut savoir qu’un label bio, c’est payant. C’est des initiatives qui sont privées. Contrairement à l’agriculture, au label bio alimentaire AB Bio, qui dépend du ministère de l’Agriculture, en cosmétique, ce ne sont que des initiatives privées. C’est des laboratoires qui ne sont même pas en France et qui coûtent, pour une marque, plusieurs milliers d’euros par an.

Je ne vois pas pourquoi. Moi, j’aurais dû… m’acquitter de cette « taxe » pour prouver que mon travail est de bonne qualité. Mais en général, il suffit de faire de la pédagogie. Et les clients, ils me demandent très, très rarement si j’ai une mention bio. Parce qu’ils savent très bien, ils connaissent l’apiculteur. Ils savent d’où viennent les matières premières. Donc, on ne me pose même pas la question. Voilà. Je n’ai pas besoin de payer pour qu’on me fasse confiance, … Pour l’instant.

Où retrouver les produits de La Manufacture du Siècle

On vend dans notre boutique à Carpentras (NDLR : aujourd’hui la boutique est à Nice). On vend sur notre site, sur notre boutique en ligne. Et on travaille avec les revendeurs de deux façons.

On a donc des revendeurs qui achètent nos produits et qui les revendent dans leur structure. Mais on a aussi une phase qui devient de plus en plus importante, une partie façonnière. Puisque les marques, en fait, de cosmétiques nous contactent pour qu’on crée des cosmétiques pour leurs marques.

Créer des produits sur mesure pour d’autres marques

On travaille en marque blanche ou alors pas vraiment en marque blanche parce qu’on revend… C’est jamais nos marques. C’est jamais nos marques. C’est jamais nos produits, nos formulations. Mais vraiment, on fait du sur-mesure en fonction des cahiers des charges que nous demandent les entreprises, les marques. On va leur créer un produit sur-mesure.

On peut retrouver des produits de Carpentras au Château de Versailles, par exemple. Je voulais un peu sortir du cliché du savon très rustique. Ça, c’est une image qui est très française. Par exemple, les Américains, ils ont vraiment une autre conception du naturel. Ils sont très décomplexés vis-à-vis de ce qu’on appelle l’Ecoluxe.

La manufacture du siècle, une marque d’écoluxe

Je voulais vraiment proposer un produit à la fois qui soit très sain, naturel, mais aussi sophistiqué. Ça me tenait vraiment à cœur. Et j’essaie de faire un petit peu la jonction entre les deux. Le luxe moi, ça me fait rêver, clairement. Ils travaillent très étroitement avec l’artisanat. Ils sont très exigeants en termes de matières premières. Il y a un esprit de perfectionnisme qui me séduit pas mal.

Après, t’as le luxe qu’on connaît. C’est LVMH, Chanel, Dior et compagnie. Et puis, t’as le luxe, l’écoluxe. Avec des petites marques, justement, qui n’ont pas du tout de marketing et qui injectent tous leurs bénéfices dans leurs produits, dans le développement. C’est davantage ça qui m’intéresse. Moi, c’est un modèle de business qui me parle bien. C’est développer une maison comme, par exemple, Molinard. Là, on parle un peu de rêve, tu vois. Mais j’aime bien les structures comme ça, Molinard, Fragonard, parce que ça reste des entreprises familiales.

Alors, si tu vas encore plus haut, Chanel, par exemple. Typiquement, Chanel, ça reste une marque qui est possédée par une famille. Tu vois ? Bon, évidemment, c’est mondialement connu, mais ils ont quand même ce modèle de structure familiale, très implantée en France, avec la culture pour les parfums du côté de Grasse et tout ça.

Ils ont gardé une identité très, très française. Je suis assez adulte par ça, en fait. Voilà, c’est cool cet ancrage dans leur terroir même à la limite un peu comment dire anti jacobin, c’est à dire que tout ne passe pas par Paris en fait.

Un fort ancrage territorial

Moi je suis très très ancré dans le Sud. Je voudrais vraiment voilà ancrer ma marque à travers une identité très méditerranéenne et pourtant je voulais à paris mais parce que j’adore cette ville mais parce que je m’étais dit à l’époque « oui c’est là qu’il faut développer. » Mais bien sûr, si demain je peux ouvrir un magasin à Paris, je le ferai bien sûr. Mais je veux qu’on reste une marque ancrée dans le Sud. Paris ça peut être un côté un petit peu encore impersonnel et je voulais vraiment qu’on garde notre identité profonde ancrée en PACA.

Quand en fait je repense aux années qui sont passées, je me dis mais qu’est ce qui m’a pris en fait ? Je réalise à quel point c’était de la folie de se lancer là-dedans, que ce n’est pas une aventure qui convient à tout le monde mais que si on a le « discernement  » pour faire les bons choix et pour s’adapter, je pense qu’e… c’est une conviction intime, je pense qu’on peut faire tout ce qu’on veut en fait. Il n’y a jamais de moment parfait. Il n’y a jamais d’âge parfait. Il n’y a jamais de contexte parfait. Tu vois il y a une pandémie, il y a des grèves, il y a toujours quelque chose, le contexte n’est jamais parfait mais je pense que … Il faudrait demander à quelqu’un qui a beaucoup plus d’expérience que moi et quelqu’un qui est plus chevronné que moi, mais je pense que à partir du moment où on arrive à s’adapter, qu’on est flexible on peut traverser n’importe quoi en fait, sauf si on a une bombe atomique qui nous tombe dessus demain, on ne pourrait pas faire grand chose, mais il faut accepter aussi parfois de faire un peu des compromis pas trop parce qu’à trop se disperser, c’est, je pense une erreur que font beaucoup de jeunes entreprises, qui sont des entrepreneurs en fait.

Moi je me sens relativement bien, j’ai l’impression que les choses sérieuses commencent maintenant en fait. Voilà, les cinq premières années c’était un entraînement, maintenant je peux commencer à dire qui on est, ce qu’on propose.

Je pense que les choses sérieuses commencent maintenant. J’aimerais bien qu’il y ait d’autres personnes qui viennent se greffer à notre aventure. J’espère que ce sera le cas pour les années qui arrivent très prochainement puisque on a projeté justement de s’agrandir, toujours dans le coin mais avoir une structure, un lieu de fabrication plus important et puis ouvrir des boutiques un petit peu partout. Je sais que ça peut ne pas arriver demain mais je garde ça dans mon viseur.

L’inspiration du moment : les années 80/90

Mon inspiration du moment, là en ce moment clairement pour moi c’est les années 80 / 90. L’essor qu’il y a eu dans ces années-là, qui était lié évidemment à la mondialisation, à l’hyper-consommation, mais une espèce de soif de vivre, une envie de vivre un dynamisme qui me fait plaisir en fait. C’était drôle, c’était très insouciant. Après c’était avant la période un peu difficile avec le naissance du sida et compagnie mais c’était très insouciant en fait et j’aime bien cet état d’esprit.

C’est un état d’esprit qu’il n’y a pas du tout en ce moment. Tu vois en ce moment, c’est l’opposé. Il y a une espèce de chape de plomb qui pèse un peu sur nos morales à tous qui est un peu lourde et cette vitalité, ce vitalisme des années 80, moi me fait du bien quand j’y pense. Je regarde beaucoup de films, sur mon téléphone j’ai que des images, de la publicité des années 80, en fait avec les meufs qui ont des maillots en lycra, le fluo tout ça. Je me nourris beaucoup de ça en ce moment oui.

Le savon, un cadeau pour partager une expérience sensorielle

Le savon reste quelque chose… reste un cadeau à la fois intime et utile. On offre un savon à quelqu’un parce qu’on est sensible à l’odeur de ce savon, il nous rappelle des choses. On veut partager l’expérience que l’on le ressent en fait, on veut la partager avec une personne qui nous est chère en lui offrant ce cadeau, et en même temps si la personne ne ressent pas ce que moi je ressens ce sera toujours un cadeau utile en fait. Ce n’est jamais perdu, le savon n’est jamais perdu. C’est tellement basique.

C’est quelque chose qui a été quasiment toujours présent dans la vie des hommes, dans toutes les civilisations

Pour découvrir notre univers, le plus simple c’est de nous suivre sur les réseaux donc on est sur Facebook, sur Instagram. Il y a le site internet : www.lamanufacturedusiecle.fr

et puis sinon vous pouvez venir nous voir à Carpentras dans la boutique (NDLR – 2024 : la boutique est maintenant à Nice). Moi j’aime beaucoup discuté avec les gens, Isaure aussi donc dès qu’on peut on fait monter par petits groupes – ça peut pas être énorme – mais voilà par petits groupes, quand l’occasion se présente, on fait monter nos visiteurs dans le labo pour qu’ils voient un petit peu comment on travaille. Sinon on peut toujours me joindre par téléphone, moi j’aime bien discuter, répondre aux mails. Je reçois souvent des mails de personnes qui sont loin, qui aiment bien discuter.

Comme on leur propose quelque chose d’intime et du coup je pense qu’il y a une espèce de lien de proximité qui se lie avec nous. Ouais je reçois des messages comme ça, du coup je discute avec eux. C’est sûr que c’est hyper gratifiant quand tu as des gens qui sont loin de toi et qui apprécient ton travail, qui le reconnaissent à sa juste valeur. C’est très gratifiant, tu te dis voilà j’ai peut-être un peu réussi ma mission quoi !

Conclusion de l’épisode

Marie-Cécile :

Merci Brune pour ce partage de ton expérience et de ta passion pour les savons que tu crées avec ta sœur. J’ai hâte de découvrir les prochaines créations que tu prépares. Voilà cet épisode est terminé, j’espère que ce moment de douceur vous aura plu et si c’est le cas prenez quelques minutes pour partager votre ressenti en mettant 5 étoiles sur Apple podcasts ou Podcast addict ou en commentant mes posts sur mes réseaux sociaux, ça m’encourage à continuer et ça donne également un coup de boost à mes invitées, car ce n’est pas si facile que cela de se mettre face à un micro pour raconter son histoire.

D’ici là je vous dis à une prochaine je l’espère-luette évidemment !